…la gauche s’insurge.
Ils veulent déboulonner la statue de Bigeard avant même son installation !
Alors que la municipalité de Paris veut « régler son cas au général Bugeaud », celui du général Bigeard revient sur le devant de la scène. Certes, dans une ville bien plus modeste : Toul (Meurthe-et-Moselle), où l’ancien commandant du 3e régiment de parachutistes coloniaux naquit en 1916 et mourut en 2010 et où une statue devrait prochainement être érigée à sa mémoire. À quoi ça sert, effectivement, de se décarcasser à essayer de déboulonner les vieilles gloires qui furent à l’origine de la colonisation du XIXe siècle, si c’est pour voir par ailleurs des gloires contemporaines qui participèrent aux guerres de cette décolonisation du « mauvais côté », c’est-à-dire celui de la France, être à leur tour statufiées. On n’y arrivera donc jamais !
Une municipalité de gauche qui vote l’érection d’une statue de Bigeard
Donc, le cas Bigeard. Le 14 mars 2023, le conseil municipal de Toul, à majorité de gauche, « eu égard au lien historique entre la commune de Toul et le général Marcel Bigeard », acceptait très officiellement le don d’une statue faite à la ville par la Fondation de France agissant pour le compte de la fondation Général-Bigeard. Fait assez rare, qui mérite d’être mentionné, les majorités municipales étant en général très disciplinées, ce vote n’a pas fait l’unanimité puisque, notamment, sept membres de la majorité municipale, dont des adjoints au maire socialiste, Alde Harmand, votèrent contre cette délibération portée par leur maire, le premier adjoint, quant à lui, s’étant abstenu. On imagine que le maire avait laissé la liberté de vote à ses équipiers, dont certains sont issus de la « diversité ».
Quoi qu’il en soit, la délibération ayant été adoptée très démocratiquement, le projet d’érection de cette statue pouvait prospérer. Une statue qui représente Bigeard défilant et faisant le salut militaire, en tenue de combat, bardé de ses décorations, béret parachutiste sur la tête, s’inspirant ainsi de photographies qui firent sa célébrité à la fin des années cinquante. L’installation de cette statue dans l’espace public toulois (dans le square Lieutenant-Colonel-René Génin (1900-1941), compagnon de la Libération, autre figure militaire native de Toul) devrait avoir lieu au cours de cette année 2024. Sauf si…
L’extrême gauche vent debout
Car l’extrême gauche conteste ce projet. Ainsi, la semaine dernière, rapporte L’Est républicain, une conférence a été organisée à Toul par la Ligue des droits de l’homme et le collectif « Histoire et mémoire dans le respect des droits humains » pour s’opposer à cette érection. C’est simple, pour eux, « honorer le colonel Bigeard, c’est honorer la torture coloniale ». À l’échelon national, sans surprise, L’Humanité a pris le relais et n’y va pas par quatre chemins : « Scandale à Toul, une statue pour honorer le général Bigeard, tortionnaire en Algérie ». Certes, il n’est pas question de nier l’usage de la torture durant la guerre d’Algérie, et plus particulièrement pendant la bataille d’Alger en 1957. Bigeard, en 2000, avait qualifié la torture de « mal nécessaire » mais avait démenti l’avoir pratiquée en personne. Faut-il rappeler le contexte de l’époque ? En 1999, Bigeard avait déclaré, rappelant les attentats terroristes pratiqués par le FLN : « Était-il facile de ne rien faire quand on avait vu des femmes et des enfants les membres arrachés par l’explosion d’une bombe ? » Mais plus qu’au supposé tortionnaire, on l’aura compris, c’est plus à « un homme historiquement associé à la brutalité et à la violence de la présence coloniale française en Indochine et en Algérie, à la mise en place d’un régime d’apartheid, contrôlé par la force et la domination » que l’on s’en prend, comme l’a écrit, le 13 mars dernier, ce collectif « Histoire et mémoire dans le respect des droits humains ».
Raccourcis et détours idéologiques…
L’Humanité se garde bien de les évoquer et préfère les raccourcis ou les détours bien pratiques au plan idéologique. Ainsi, le quotidien ne manque pas de souligner que la présidente de la fondation Général-Bigeard « s’est battue pour réhabiliter la mémoire de son père, Jean Quenette, un préfet « vichysto résistant » déclaré inéligible après la Libération pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain ». Il est vrai que, pour les communistes, il n’y eut de bonne Résistance que celle qui fut communiste. Le sculpteur ? « À son actif, une statue de Jeanne d’Arc livrée à la mairie de Saint-Pétersbourg en 2021. Et, à Orange, ville dirigée de longue date par l’extrême droite, c’est sa signature qu’on retrouve en bas du Mémorial de la Terreur, dédié aux religieux tués lors de la Révolution française. » Bref, quasi un nazi, cet artiste. On notera l’expression très édulcorée « religieux tués lors de la Révolution française » qui nous oblige à cette petite précision : il s’agit de trente-deux religieuses, connues sous le vocable de « martyres d’Orange », qui furent envoyées à la guillotine, pas seulement « sous » mais « par » la Révolution, au seul motif qu’elles étaient religieuses.
Mais pour revenir à Toul, en tout cas – et c’est tout à son honneur -, le maire socialiste « assume », nous dit L’Humanité. Affaire à suivre