Par Bernard LUGAN

Les 18 et 19 mars 2022, la France va « célébrer » le soixantième anniversaire des « accords d’Evian » et du « cessez-le-feu » en Algérie. La double « célébration » d’un abandon et  d’une tragédie.

Le 18 mars 1962, à 17h 40, le général de Gaulle offrit l’Algérie au FLN alors que l’armée française l’avait emporté sur le terrain. A cette date, 250 000 Algériens servaient sous le drapeau tricolore, soit cinq fois plus que les maquisards de l’intérieur et les membres de l’ALN stationnés en Tunisie ou au Maroc.

Sans la moindre garantie sérieuse, les évènements qui suivirent le démontrèrent tragiquement, plus d’un million d’Européens et plusieurs centaines de milliers de musulmans attachés à la France furent ainsi abandonnés au bon vouloir de l’ennemi d’hier (voir à ce sujet mon livre « Algérie l’Histoire à l’endroit ».

Puis, le 8 avril 1962, par un référendum ségrégationniste puisque le pouvoir gaulliste l’avait ouvert aux seuls Français de métropole, les Français d’Algérie, pourtant les premiers concernés, en ayant été écartés (!!!), « les accords d’Evian » furent ratifiés par 90,81% de « oui ».

Aujourd’hui, les enfants de ces 90,81% paient à travers le « grand remplacement », l’indifférence, le soulagement, la lâcheté et pour certains, la trahison de leurs parents…

Les accords signés, le général Ailleret, commandant en chef en Algérie donna l’ordre de cessez-le-feu aux unités françaises. Les prisonniers FLN furent libérés, mais pas les partisans de l’Algérie française emprisonnés. La tragédie algérienne se referma alors sur les Européens et sur les musulmans pro-français abandonnés et livrés à leurs bourreaux dans l’indifférence la plus totale de leurs compatriotes métropolitains.

Comme il leur avait fallu apparaître « raisonnables » lorsqu’ils avaient négocié avec les émissaires français, les délégués algériens avaient en effet accepté les illusoires clauses de garanties prévues pour les Français d’Algérie. Mais, ensuite, par une politique de terreur parfaitement organisée à travers de nombreux enlèvements, le FLN mit les Français d’Algérie devant un choix clair : « la valise ou le cercueil ». Les nouveaux maîtres de l’Algérie ne pouvaient en effet accepter que dans l’ « Algérie algérienne » les villes d’Oran et d’Alger demeurassent majoritairement peuplées d’Européens. Ce fut alors en toute impunité, et hélas parfois même sous les yeux de certaines unités de l’armée française demeurées passives, que le FLN appliqua son plan destiné à vider l’Algérie de sa population européenne.

En même temps, du mois de mars au mois de juillet 1962, les Français d’Algérie firent l’objet d’une véritable persécution de la part de la gendarmerie mobile française. A Bab-el-Oued, les blindés agirent comme les chars soviétiques à Budapest en 1956, tirant directement dans les façades des immeubles, faisant de nombreuses victimes civiles, cependant que des avions français tiraient des roquettes sur le quartier… Une persécution également tragiquement illustrée par la fusillade du 26 mars à Alger, quand une unité régulière de l’armée française tira de longues minutes durant à bout portant, en « tir à tuer », sur une foule d’Européens pacifiques, faisant des dizaines de morts et des centaines de blessés. Toujours dans la plus totale indifférence des Français de la métropole…

A Oran, durant la journée du 5 juillet 1962, les évènements furent particulièrement dramatiques car des centaines de civils européens furent enlevés et massacrés. Et encore, le «  pire » ne fut-il évité que parce que certaines unités appartenant notamment aux  8° RIMA (Régiment d’infanterie de Marine), aux 2° et 4° Zouaves et au 5° RI intervinrent contre les ordres de Paris et contre ceux du sinistre général Katz.

Après avoir dépouillé 12000 documents classés « secret » et «  secret confidentiel », Jean-Jacques Jordi (2011), a décrit les enlèvements, viols, tortures et massacres de centaines de civils européens par le FLN. De son côté, Grégoire Mathias (2014), a révélé la fin atroce de plusieurs dizaines d’Européens enlevés par le FLN pour être utilisés comme « donneurs de sang ».

L’enlèvement par le FLN de ces civils européens après les « accords d’Evian », de ces femmes et jeunes filles enfermées dans des bordels, étaient connus grâce aux rapports militaires et aux témoignages de certains survivants miraculeusement évadés. Les autorités françaises connaissaient parfaitement leurs lieux de détention. Rien ne fut entrepris pour les délivrer. Certains subirent le martyre des années durant… Les documents produits par Jean-Jacques Jordi et Grégoire Mathias sont accablants pour les responsables politiques français de l’époque.

Le résultat fut qu’en quelques semaines, la quasi-totalité des Européens quitta l’Algérie puisque ceux qui étaient chargés de les protéger étaient devenus soit des spectateurs indifférents, soit même les complices de fait de leurs bourreaux. Quant aux 250 000 Algériens servant  dans l’armée française, entre 60 000 et 80 000 furent suppliciés avec leurs familles par le FLN. Là encore dans la plus profonde indifférence des autorités françaises, à l’exception d’héroïques actions de sauvetage entreprises par certains officiers, toujours contre les ordres donnés par Paris et servilement appliqués par la hiérarchie militaire.

Les « accords d’Evian » ont donc débouché sur l’exode de la quasi-totalité de la population de souche européenne, soit 1,1 million de personnes… Et c’est cet « anniversaire » que, grâce aux exigences des porteurs de valises communistes, toute honte bue, les Français vont « célébrer »…

Depuis 1963, la FNACA, association d’anciens combattants proche du Parti communiste français militait en effet pour que la date du 19 mars 1962 soit retenue pour commémorer la fin des combats en Algérie.

Cette revendication a été satisfaite avec l’adoption par le Sénat, le 8 novembre 2012, d’une loi précédemment votée par l’Assemblée nationale en 2002, ce qui provoqua de très nombreuses réactions de la part de la principale association d’Anciens combattants, l’UNC (Union nationale des combattants) et  de trente autres associations comptant au total plus d’un million de membres.

Pour en savoir plus

– Faivre, M (général). (1995) Les combattants musulmans de la guerre d’Algérie. Paris.

– Faivre, M. (général). (2003) « Le massacre des Harkis », La Nouvelle revue d’Histoire, septembre-octobre 2003, pp 47-48.

– Jordi, J-J., (2011) Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie. Paris.

– Lugan, B., (2022)  Algérie l’histoire à l’endroit www.bernard-lugan.com

– Mathias, G., (2014) Les vampires à la fin de la guerre d’Algérie. Paris

– Monneret, J., (2001) La phase finale de la guerre d’Algérie, Paris.

– Monneret, J., (2006) La Tragédie dissimulée. Oran, 5 juillet 1962. Paris.

– Pervillé, G., (2014) Oran, 5 juillet 1962. Leçon d’histoire sur un massacre. Paris. – Venner, D., (2005)  De Gaulle, la grandeur et le néant. Paris, 2005.