La fusillade de la rue d’Isly : un crime sans coupable !

Le général Pierre Goubard , Chef de Corps du 4ème Régiment de Tirailleurs Algériens a retrouvé dans ses archives l’origine de l’enrôlement dans l’armée française des 14 tirailleurs présents rue d’Isly le 26 mars 1962 ; tous étaient des rebelles repentis, ralliés avec armes, en provenance du FLN, du MNA et du mouvement Bellouniste.

On apprend qu’ils n’étaient pas formés au maintien de l’ordre en ville…mais de bons combattants, obéissants avec le respect de l’officier, vaillants et courageux face aux katibas de l’ALN.

La manifestation pacifique avait pour objet de dénoncer le blocus inhumain imposé par les autorités à la population féminine et aux enfants confinés dans leur domicile depuis le 23 mars.

Des milliers d’appartements avaient été mis à sac par les CRS et les GM et les hommes de 16 à 90 ans, parfois en pyjama, sans leurs médicaments du quotidien, avec parmi eux d’Anciens Combattants, des handicapés, certains avec des respirateurs à oxygène, avaient été arrêtés sans raison, simplement parce qu’ils habitaient Bab el Oued. Ils seront enlevés à leur famille sans ménagement et transportés dans des camps d’internement à 200 km d’Alger…tous seront libérés dix jours plus tard sans excuses ni explications dans un état déplorable physiquement et moralement.

Le Maire de Bab el Oued, Monsieur Loffredo, témoigna : « Nous sommes intervenus auprès des autorités en faisant remarquer que des bébés étaient en train de mourir ». Un officier de gendarmerie lui répondit : « Tant mieux ! Il y en aura moins pour nous tirer dessus. »

Et comme il lui demandait qu’on enlevât au moins les morts en décomposition, il entra dans une colère noire : « Vos cadavres, mangez-les ! »

Ce 26 mars 1962, le haut-commissaire en Algérie Christian FOUCHET donna aux militaires chargés de faire barrage au passage de la manifestation dans la rue d’Isly des ordres clairs : « Personne ne doit passer…ouvrez le feu si nécessaire ! »

La veille déjà il avait menacé la population d’Alger qui préparait la manifestation du lendemain en ces termes : « Si vous vouliez tenter de revenir sur ce qui a été décidé et conclu…cette erreur serait terrible…vous en seriez les premières et principales victimes. »

Ce qui avait été décidé et conclu le 19 mars 1962, c’étaient les accords d’Évian signés entre les émissaires du GPRA et de la France (Robert Buron et Jean de Broglie). Robert Buron reconnaitra plus tard que ces accords n’avaient jamais été respectés par le GPRA.

Le 26 mars 1962, nos bons soldats repentis au service de la France savent depuis 7 jours que leur avenir en Algérie devient risqué pour leur vie ; la France va les abandonner ! À 14 h 30 ce jour-là se présentera pour eux une véritable aubaine : d’une part, les ordres de Fouchet les autorisent à tirer sur les manifestants français, et d’autre part, ils ont là la possibilité de se dédouaner de la tutelle française et de devenir en douze minutes de tuerie barbare, d’authentiques  » moudjahidine  » au regard du FLN.         L’importance du massacre ne laisse aucun doute sur l’acharnement des Tirailleurs à mitrailler à bout portant une foule sans armes qui chante les Africains, la Marseillaise, et brandit avec fierté des drapeaux bleu-blanc-rouge. L’instinct de survie leur fait comprendre que désormais ces couleurs sont mortelles pour eux. Alors ils tirent et réarment leur engin de mort jusqu’à achever les blessés agonisant sur le bitume. Le docteur Massonnat descendu de son cabinet avec sa trousse médicale fut abattu dans son dos par un soldat alors qu’il pratiquait un massage cardiaque. Bilan 82 morts et plus de 200 blessés. Les familles ne seront pas autorisées à récupérer les corps. Ils seront enterrés clandestinement au cimetière de Saint-Eugène.

 Un fait déshonorant survenu ce 26 mars 1962 et totalement oublié dénote la haine du gouvernement français de cette époque à l’égard des Français d’Algérie. À 20 h ce jour-là, le Président de la république prit la parole à la TV pour demander aux français de voter  »oui » au référendum portant sur l’autodétermination de l’Algérie, sans faire la moindre allusion à la tuerie innommable qui s’était déroulée 5 heures auparavant à Alger où 82 français avaient été assassinés. Le mépris à l’égard des Français d’Algérie s’était déjà confirmé le 19 mars 1962 où le Président par décret avait interdit aux français d’Algérie de participer à ce référendum, les excluant du droit démocratique à s’exprimer sur leur avenir. Le droit du sol des citoyens d’Algérie totalement bafoué. Nul doute pour ce gouvernement de 1962, les Pieds Noirs passés par les armes rue d’Isly ou déchu du droit de vote par décret…il s’agissait d’une même élimination sans importance.    

C’est une faute historique totalement impardonnable dont la pratique est l’apanage des républiques bananières.

Pauvre France, le pays des illusions perdues !